Comprendre le concept en 1 minute
Une 6ème république avec de nouvelles institutions autour d’une assemblée de citoyennes et de citoyens tirés au sort :
- on remplace le sénat par une assemblée citoyenne tirée au sort (sur le modèle de la CCC)
- on garde l’assemblée nationale mais on améliore sa représentativité (règles des campagnes et du scrutin)
- si désaccord entre les deux chambres, la chambre citoyenne a le dernier mot
- on garde une présidence de la république élue au suffrage universel (mais pas uninominal)
- la présidence doit présenter obligatoirement un programme au moment des élections
- la présidence nomme son gouvernement mais ce dernier est validé par l’assemblée citoyenne
- diversité de genre obligatoire entre présidence et premier ministre
- la présidence est révocable par l’assemblée citoyenne à partir de mi-mandat, en cas de non respect du programme (avec audition pour que la présidence se défende et s’explique)
- le gouvernement est révocable par l’assemblée citoyenne (conditions à définir)
En résumé, l’idée est de trouver le bon équilibre entre s’appuyer sur les avantages du tirage au sort (représentativité, pas de conflit d’intérêt, responsabilisation citoyenne, etc) et compenser ses faiblesses par le maintient d’une “compétence” politique et d’une certaines agilité (mais on la surveille).

Comprendre les détails
L’Assemblée Citoyenne
Le Sénat est supprimé, et une Assemblée Citoyenne est créée à la place. Elle est composée de 240 citoyennes et citoyens tirés au sort, avec des quotas de représentativité (sexe, âge, CSP, région…) sur le modèle de la Convention Citoyenne pour le Climat.
L’Assemblée Citoyenne est renouvelée par tiers. La durée du mandat des citoyens tirés au sort est à déterminer (1 ou 2 ans).
Le rôle de l’Assemblée Citoyenne est d’amender et de voter les lois proposée par l’Assemblée Nationale.
En parallèle, l’Assemblée Citoyenne travaille pendant des durées longues (4 à 6 mois) sur des sujets complexes et transverses qui nécessitent un ensemble de lois cohérentes et ambitieuses (retraites, dette, transition écologique, régulation de l’IA, etc). Cet ensemble de loi doit être amendé et voté par l’Assemblée Nationale.
L’Assemblée Citoyenne peut elle-même choisir ces sujets, ou ceux-ci peuvent être proposés par le gouvernement, par l’Assemblée Nationale, ou par les citoyens (via une plateforme de récolte de signature).
En cas de désaccord entre l’Assemblée Nationale et l’Assemblée Citoyenne, c’est l’Assemblée Citoyenne qui a le dernier mot.
Enfin, l’Assemblée Citoyenne contrôle l’action de la présidence et du gouvernement (voir ci-desous).
L’Assemblée Nationale
L’Assemblée Nationale reste relativement similaire à celle de la 5ème république : elle est élue par le corps électoral, et a pour rôle l’initiative des lois courantes.
Cependant, elle est élue au scrutin proportionnel plurinominal (utilisé pour les Européennes, ou pour les législatives en Allemagne), et non pas au scrutin uninominal majoritaire à deux tours comme aujourd’hui.
En cas de désaccord entre l’Assemblée Nationale et l’Assemblée Citoyenne, c’est l’Assemblée Citoyenne qui a le dernier mot.
La présidence
La présidence est élue au suffrage universel plurinominal, pour un mandat de 5 ans. Par rapport au système actuel, cela signifie simplement qu’au lieu de ne pouvoir voter pour que pour un(e) seul(e) candidat(e), il est possible de donner sa voix à plusieurs candidats, sans limite de nombre. Le reste du processus de vote est exactement le même qu’aujourd’hui. A la fin, la personne élue est simplement celle qui a obtenu le plus de voix (et du coup, un seul tour suffit, pas besoin de 2nd tour !). Pour bien comprendre les implications de ce changement, voir cette vidéo.
Les candidat(e)s à la présidence ont l’obligation de présenter un programme écrit lors de leur campagne (avec un certain nombre d’éléments obligatoires à définir).
La présidence nomme son premier ministre, qui ne peut pas être du même genre (par exemple, si le président est un homme, le premier ministre ne peut pas être un homme).
La présidence est le chef de l’Etat, et le représentant de la France à l’international. Il ou elle partage le pouvoir exécutif avec le premier ministre.
La présidence est le chef des armées, mais a l’obligation de consulter le premier ministre pour l’ensemble des décisions militaires, et l’utilisation de l’arme nucléaire doit être approuvée conjointement par la présidence et le premier ministre.
La présidence peut dissoudre l’Assemblée Nationale dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui.
A partir de mi-mandat, l’Assemblée Citoyenne peut demander la révocation de la présidence, qui se fait en 4 étapes : un débat à l’Assemblée Citoyenne pour demander la révocation, un vote de déclenchement de la procédure, puis une audition de la présidence et de ses équipes pour présenter sa défense, puis un vote de décision. Les motifs invocables pour une révocation sont les suivants : un manquement grave à ses obligations de président, ou un écart trop important et injustifié entre le programme présenté lors de la campagne, et les politiques appliquées une fois élu.
Le gouvernement
Le premier ministre est nommé par la présidence.
Le premier ministre nomme son gouvernement, et le soumet au vote de l’Assemblée Citoyenne, qui peut l’approuver ou non, en tout ou partie (certains ministres peuvent être approuvés et d’autres non).
De la même façon que la présidence, le gouvernement peut être révoqué en tout ou partie par l’Assemblée Citoyenne.
Pour aller plus loin
Quel est le problème avec le vote ?
Il est fondamental de réaliser que le fait de voter pour élire des représentants, qui aujourd’hui est synonyme de démocratie dans la tête de beaucoup de gens, ainsi que dans la plupart des médias, crée en réalité des dynamiques tout à fait contraires à celles qu’on pourrait attendre d’une démocratie, s’il n’est pas accompagné des garde-fous appropriés.
En effet, le postulat derrière l’élection de représentants est le suivant : « ensemble, nous allons décider qui est la meilleure personne pour exercer le pouvoir en notre nom, et représenter nos intérêts. »
Or, pour fonctionner correctement, ce postulat repose sur plusieurs hypothèses, qu’il nous faut vérifier :
- Hypothèse 1 : nous sommes capables de connaître les différents candidat(e)s et d’évaluer leur niveau de compétence pour exercer le pouvoir et représenter nos intérêts ;
- Hypothèse 2 : une personne élue devient représentante du peuple (ou de ses administrés) et tire sa légitimité pour prendre des décisions de cette représentativité. Elle prend donc ses décisions dans l’intérêt de celles et ceux qu’elle représente ;
- Hypothèse 3 : les candidat(e)s expriment leurs intentions via un programme politique, qui nous permet de choisir la personne qui représentera au mieux nos intérêts. Une fois élue, cette personne fera tout son possible pour appliquer le programme pour lequel elle a été élue.
Déjà, la réalité nous a prouvé à de nombreuses reprises que ces trois hypothèses étaient bien fragiles, mais essayons d’identifier plus concrètement pourquoi :
Hypothèse 1 : nous sommes capables de connaître les différents candidat(e)s et d’évaluer leur niveau de compétence pour exercer le pouvoir et représenter nos intérêts.
Cette hypothèse peut être vraie dans certains contextes, lorsque les votants connaissent directement les candidat(e)s. Cela pourrait fonctionner à la rigueur à l’échelle d’un petit village. Mais à l’échelle nationale, il est impossible que les 50 millions de votants en France connaissent tous la personnalité et les compétences des candidat(e)s. En réalité, nous estimons leur capacité à nous gouverner via l’image que nous avons d’eux, qui nous est transmise par les médias (en majorité), ainsi que par leurs déclarations personnelles (si on suit l’actualité), ou leurs décisions publiques (si on va chercher l’information). La conséquence directe de ce constat, c’est que le vote récompense beaucoup plus la capacité à maîtriser sa propre image, et à transmettre une image positive, que la capacité à gouverner efficacement. Autrement dit, ce sont les personnes qui sont les plus éloquentes, charismatiques, mais aussi celles qui sont le plus capables d’obtenir des fonds pour une campagne, ou d’être médiatisées positivement, qui ont le plus de chances d’être élues. Dit encore autrement : pour être élu, il faut être capable d’avoir beaucoup d’influence, et d’obtenir beaucoup d’argent. Et pour avoir beaucoup d’influence, il faut soit être très très populaire, soit avoir beaucoup d’argent. Bref, le vote a une fâcheuse tendance à récompenser la capacité d’influence plutôt que la compétence, et donc à choisir des gens situés au cœur d’intérêts financiers très puissants, desquels ils seront redevables ensuite.
Ajoutons à cela la mécanique des deux tours lors des élections nationales, qui fait entrer dans l’équation tout un tas de calculs politiques (vote « utile », promotion d’un extrême puis appel au « front républicain ») qui n’ont rien à voir avec la compétence ou la représentativité des candidat(e)s, et qui fausse complètement la capacité du vote à choisir la « meilleure » personne.
Hypothèse 2 : une personne élue devient représentante du peuple (ou de ses administrés) et tire sa légitimité pour prendre des décisions de cette représentativité. Elle prend donc ses décisions dans l’intérêt de celles et ceux qu’elle représente.
Le problème de cette hypothèse c’est qu’en réalité, une personne élue (quelle que soit sa personnalité, ou son bord politique) est en perpétuel conflit d’intérêt entre d’un côté son mandat et son programme politique (c’est-à-dire les missions pour lesquelles elle a été élue), et de l’autre côté :
- son intérêt individuel (réélection, confort personnel, aide de ses proches, etc.)
- ses dettes morales (redevabilités à celles et ceux qui lui ont permis d’accéder au pouvoir, parfois au prix de sacrifices ou de beaucoup d’argent)
- son parti politique (promotion ou protection de l’image du parti, soutien des autres membres, etc.)
La conséquence, c’est qu’il est illusoire d’espérer qu’une personne élue (à nouveau : quel que soit son bord politique) pourra réellement exercer son mandat tel qu’on l’attend : dans l’intérêt de celles et ceux qu’elle représente, et de manière impartiale. Au contraire, il est quasi naturel qu’une corruption s’installe, et s’entretienne puisqu’une fois que l’on a du pouvoir, il est beaucoup plus facile de le garder.
Hypothèse 3 : les candidat(e)s expriment leurs intentions via un programme politique, qui nous permet de choisir la personne qui représentera au mieux nos intérêts. Une fois élue, cette personne fera tout son possible pour appliquer le programme pour lequel elle a été élue.
On a souvent tendance à dire, ou à croire, que par le vote, le peuple contrôle ses représentants. Pourtant, il est très fréquent que les programmes politiques exprimés pendant les campagnes ne soient pas respectés. Pourquoi ?
En réalité, tel qu’il est appliqué en France, le vote est une carte blanche donné à la personne élue, pour exercer le pouvoir à notre place, sans aucune possibilité de contrôle, et sans aucun compte à rendre. Certains diront qu’en cas de non-respect du programme, les votants choisiront quelqu’un d’autre à la prochaine échéance, et que cela représente une « menace » suffisante pour garder le contrôle sur les élus. Mais en fait, on voit bien que la réalité est tout autre : le non-respect du programme est un paramètre très faible dans la dynamique des campagnes, et représente bien peu dans la décision de vote, face aux guerres que se livrent les partis et leurs militants, face aux calculs politiques, ou face à l’influence des médias. Pour que cette hypothèse soit vraie, il faudrait par ailleurs qu’il y ait systématiquement un(e) autre candidat(e) qui nous représente mieux, et que nous pourrions choisir à la place de la personne qui n’a pas respecté ses promesses. Ce n’est évidemment pas le cas.
Conclusion : nous voyons donc ici les limites d’un système d’élection de représentants. Là où le vote est censé nous permettre de choisir les meilleures personnes pour nous représenter, et d’exprimer par elles notre volonté politique, il nous pousse en réalité à choisir de manière instinctive des personnes qui seront mécaniquement poussées au conflit d’intérêt et donc à la corruption, sans aucun contrôle direct de la part des votants pour les remettre dans le droit chemin. Au mieux, nous pourrons nous exprimer par des manifestations, qui pourront tout à fait être ignorées sans aucune conséquence. Il est donc nécessaire de compenser ces défauts fondamentaux du vote par une mécanique alternative de démocratie qui n’a pas ces défauts : le tirage au sort.
Le tirage au sort : avantage et inconvénients
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